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Réalité Augmentée

Mars 2019

Publié le
5 mars 2019
Temps de lecture
6 minute(s) de lecture

Comme pressenti en tout début d’année (voir la Carmignac’s Note de janvier, «50 Nuances de noir»), le rebond des marchés actions s’est concrétisé en contrepoint de la panique de la fin d’année 2018, nourri par la volte-face de la Fed dans ses ambitions de normalisation monétaire. L’indice actions MSCI Monde a progressé de 11,21% sur les deux premiers mois de l’année, ce qui efface intégralement sa correction du dernier trimestre 2018. La question est naturellement de juger si ce rebond possède de bonnes chances de continuer sur les prochains mois.

[Insights] 2019 03_Carmignac Note (Pro) FR
Carmignac - Photo : © Maritime Préfecture

Le télescopage entre cycle économique et politique monétaire constituait la toile de fond des marchés pour 2018. Ce n’est plus le cas cette année

Le ralentissement économique se poursuit et les points de fragilité ne manquent toujours pas. Dans la litanie des incertitudes politiques de l’Europe aux États-Unis, jusqu’à la problématique du surendettement dans un contexte nouveau d’affaiblissement de la croissance, les marchés pourraient largement trouver de quoi justifier un retour à la prudence cette année. Néanmoins, cette réalité peu engageante est augmentée, ou en tout cas adoucie, par un scénario central qui s’est objectivement apaisé par rapport à l’année dernière. Les marchés ont en effet pris acte du ralentissement économique en cours, de même que les banques centrales, affranchies désormais de leur engagement de normalisation monétaire à marche forcée. Le télescopage entre cycle économique et politique monétaire constituait la toile de fond des marchés pour 2018. Ce n’est plus le cas cette année.

Désormais, l’heure est plutôt à l’atonie, propice à des marchés velléitaires, sorte de désincarcération lente et délicate après la collision de 2018, et qui appelle des stratégies d’investissement moins directionnelles, plus attachées à la génération d’alpha qu’à la gestion du bêta.

Les paramètres politiques susceptibles d’affecter les marchés cette année sont multiples : ultimes négociations entre la Commission européenne et le Royaume-Uni sur le Brexit, derniers rebondissements dans les tractations commerciales entre les États-Unis et la Chine, nouvelles menaces américaines sur les importations d’automobiles allemandes, élections européennes. Ces enjeux majeurs pour la confiance, et donc la croissance, entreront au cours des tout prochains mois, voire semaines, dans leurs phases décisives. Ils sont donc source d’inquiétudes à court terme. Il est cependant rationnel de postuler que les stratégies du pire, qui ne profitent à personne, seront in fine évitées. Dans cette hypothèse, quoiqu’il soit certainement irrationnel de parier sur la rationalité des politiques, une succession de modus vivendi, même bancals, pourrait autoriser les marchés à continuer d’exprimer un certain soulagement après des mois d’anxiété.

Au-delà de termes très courts, la direction des marchés en 2019 devrait néanmoins revenir principalement au contexte économique, lequel est devenu entre-temps singulièrement terne. En effet, le ralentissement global se poursuit pour l’instant comme anticipé.

Aux États-Unis, l’activité dans la construction demeure faible, et les indicateurs d’activité manufacturière, tel l’indice Markit PMI manufacturier qui s’est établi à 53,7 en février, soit son plus bas niveau depuis 2017, demeurent mal orientés. Mais tant que la demande de services tient (les indicateurs demeurent relativement stables depuis un an), soutenue par un marché de l’emploi toujours résilient, l’ensemble de l’économie ne devrait subir qu’un ralentissement modéré. Cette perspective est désormais renforcée par le soutien récent d’une banque de réserve dont le dogme de la normalisation a soudainement muté en une crainte avouée de la pression des marchés, et un désintérêt croissant pour les indicateurs d’inflation de court terme.

Par ailleurs, l’issue des négociations commerciales avec la Chine pourrait apporter un soutien concret à la confiance et à l’investissement. Cette issue demeure certes soumise au difficile équilibre à trouver entre une confrontation idéologique de long terme et un intérêt mutuel pour un accord qui sauve les apparences de part et d’autre et évite l’autoflagellation économique. Mais le ralentissement américain, l’approche des prochaines élections présidentielles, et la fragilité des marchés constatée en décembre dernier augmentent la probabilité d’un « deal » au moins optiquement satisfaisant pour les deux protagonistes.

En Europe, les statistiques économiques publiées en février, comme l’indicateur Markit PMI manufacturier passé désormais sous le niveau de 50, confirment que le ralentissement de la fin de l’année dernière ne se réduisait pas à une affaire de production d’automobiles allemandes pénalisée temporairement par l’adaptation aux nouvelles normes WLTP d’émission de CO2. L’aggravation de la tendance devrait certes être évitée par un raffermissement du pouvoir d’achat des consommateurs, à la faveur d’une certaine embellie sur les salaires et l’emploi. Mais une véritable stabilisation nécessitera un rebond de la demande chinoise, qui s’annonce modeste. La BCE n’aura d’autre choix que de demeurer extrêmement accommodante.

La Chine poursuit en effet son cheminement délicat (voir la Carmignac’s Note de janvier, « 50 Nuances de noir ») entre contraintes de désendettement, pressions commerciales et ralentissement cyclique. Les mesures engagées en soutien à la consommation devraient permettre à la croissance chinoise de se stabiliser dans le courant de l’année, a fortiori en cas d’accord commercial avec les États-Unis. Mais elles n’offriront certainement pas une force de traction pour les exportations européennes comparable à celle dont ces dernières avaient pu profiter en 2016.

En ce début d’année 2019, c’est donc la figure d’un atterrissage global plus ou moins en douceur des économies mondiales qui se dessine, tempéré par des politiques monétaires aux ambitions de durcissement neutralisées.

Dans cette phase de ralentissement, la dispersion des performances entre valeurs pourrait s’avérer un vecteur de performance très sensible, au contraire de 2018

Dans ce contexte, les perspectives pour les indices actions risquent de briller par leur médiocrité à partir des niveaux actuels, compte tenu de niveaux de valorisations moyens reconstitués depuis le début de l’année, et de perspectives de croissance de résultats des entreprises extrêmement atones. En revanche, dans cette phase de ralentissement, la dispersion des performances entre valeurs pourrait s’avérer un vecteur de performance très sensible, au contraire de 2018 quand le jugement sur la direction des indices s’était avéré beaucoup plus décisif pour la performance. En particulier, les actions d’entreprises valorisées encore raisonnablement et capables de défendre leurs marges et soutenir leur croissance devraient pouvoir s’arroger une prime de qualité significative dans le piètre environnement économique que nous anticipons pour cette année. Un jugement similaire sur la primauté à accorder à la génération d’alpha cette année plutôt qu’aux grands paris directionnels vaut pour les marchés obligataires, et notamment de crédit.

Source: Bloomberg, 28/02/2019

Stratégie d’investissement
Actions

Environnement inhabituel pour les marchés actions : si décembre a été le mois le plus négatif depuis 1931, le début d’année s’est avéré très positif avec un mois de janvier s’affichant comme le 5ème meilleur mois. Dans ce contexte où les perspectives de croissance sont affaiblies et où le potentiel de surprises positives aussi bien sur le front monétaire que sur le front politique s’est amoindri, nous privilégions les stratégies de génération d’alpha en affichant un taux d’exposition aux actions modéré et en limitant les biais sectoriels marqués.

Depuis le début de l’année, nous avons graduellement accru notre niveau d’investissement en saisissant des opportunités dans des sociétés présentant fondamentaux solides et valorisations attractives, notamment en Chine (Midea, Zhifei). Nous poursuivons également nos investissements dans le secteur de la santé avec l’acquisition d’EssilorLuxottica et de Merck. Les investissements thématiques restent au cœur de notre stratégie de génération d’alpha. Ainsi, nous pensons que les compagnies aériennes à bas coûts constituent un segment attrayant que nous avons renforcé récemment, à l’image de Spirit Airlines. La taille du marché potentiel et la stratégie de prix flexible attractive pour des consommateurs souhaitant davantage d’offres de prix « à la carte » présentent des possibilités d’expansion pour ce secteur. Cependant, nous portons une attention particulière aux valorisations dans un environnement toujours fragile, nous avons donc pris des bénéfices sur les meilleurs contributeurs à la performance, notamment sur Mercadolibre et ServiceNow.

Alors que le ralentissement économique mondial se poursuit, les banques centrales s’affichent plus prudentes. La Réserve fédérale reconnaît l’existence de risques susceptibles de peser sur la santé de l’économie et marque donc une pause dans sa normalisation monétaire. La BCE affiche également un ton accommodant, réagissant à la poursuite de l’affaiblissement des indicateurs économiques et des anticipations d’inflation dans la zone. Cet environnement a entraîné un mouvement de détente des emprunts d’État, à l’exception de l’Italie qui continue d’être pénalisée par son ralentissement économique et par les questions relatives à la soutenabilité de la dette. Les marges de crédit sont également revenues à un régime plus proche de celui que nous avons connu durant la majeure partie de 2018.

Nous maintenons une sensibilité aux taux d’intérêt légèrement positive caractérisée notamment par un positionnement prudent, via des expositions limitées aux dettes périphériques, émergentes et au marché du crédit. Récemment, nous avons très légèrement renforcé notre exposition émergente, notamment via du crédit dit « quasi souverain », à l’image de Pemex. Nous avons également initié une position sur les emprunts d’État belges qui constituent une source de portage intéressante au sein des pays européens. Par ailleurs, nous maintenons pour l’instant une stratégie de pentification de la courbe de taux américaine.

Sur le marché des changes, le changement de cap qui s’opère au sein de la Réserve fédérale ainsi que les premiers signes de ralentissement de l’économie américaine ont permis une embellie de l’euro en ce début d’année. Mais de nombreux facteurs (Brexit, élections européennes, déficit courant américain) entrent en jeu, limitant la mise en place d’une vue directionnelle affirmée sur le front des devises.

Au sein de notre portefeuille, nous continuons donc de limiter le risque de change. Les devises émergentes, après leur rebond de début d’année, nous semblent continuer d’offrir quelques opportunités très sélectives, notamment en Asie et au Moyen-Orient.

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