La lettre d'Edouard Carmignac
[Management Team] [Author] Carmignac Edouard

La Lettre d'Edouard Carmignac

Tous les trimestres, Edouard Carmignac prend la plume pour commenter les enjeux économiques, politiques et sociaux du moment.

Paris, 8 octobre 2020

Madame, Monsieur,

L’introduction du principe de l’Immaculée Conception en matière financière aura été l’un des apports les moins attendus de la pandémie. Défiant toutes les règles d’orthodoxie, les gouvernements des pays développés ont fait exploser les déficits publics et obtenu leur financement auprès de leurs banques centrales en toute impunité, les marchés n’ayant sanctionné ni les notations de leurs crédits, ni les taux de change de leurs devises.

Cet état de félicité est-il durable ? Assurément, non. Ou plutôt, tant que les effets de la pandémie perdureront. Tant qu’ils impacteront de manière équivalente l’ensemble des pays, le double impératif de protection sanitaire et de protection de l’emploi s’imposera. La découverte d’un vaccin à la fois fiable et accessible au plus grand nombre - ce qui d’après nos analyses ne saurait survenir avant le deuxième trimestre de l’année prochaine –, finira par imposer la question de la soutenabilité des déficits publics.

Aussi, paradoxalement, les marchés actions et obligataires pourraient être amenés à redouter la fin de la pandémie. Est-ce que pour autant cela doit être un sujet de préoccupation majeur ? Certes, nos gouvernements cesseront d’être des distributeurs automatiques de pouvoir d’achat, mais l’éradication de la menace sanitaire relancera l’activité, trop longtemps bridée. À leur tour, les banques centrales tendront à vouloir réaffirmer leur indépendance avec des velléités de resserrer leurs politiques monétaires, qui ne sauraient cependant être trop menaçantes, l’explosion des dettes publiques interdisant toute hausse significative des taux d’intérêt dans des économies où la force des tendances déflationnistes sous-jacentes écarte le risque d’une reprise durable de l’inflation.

Que deviennent les perspectives d’investissements post-Covid ? Le maintien de taux très bas sera indiscutablement un facteur de soutien majeur aux valorisations pour les marchés. Seront particulièrement favorisées les sociétés technologiques dont la valorisation des résultats à venir devient plus attrayante, alors que la pandémie aura démontré tant la pertinence de leur offre de services que leur plasticité à répondre à des hausses fulgurantes de la demande. Naturellement, le secteur de la santé demeure central avec une priorisation sur la gestion du risque épidémique. En matière de gestion obligataire, le principe de l’Immaculée Conception rencontrera bientôt ses limites. Les États ayant traversé moins bien cette crise verront leur signature dévalorisée. Les banques centrales ayant une faible marge de manœuvre en matière de hausse des taux d’intérêt, les devises deviendront variables d’ajustement. À cet égard, le creusement des déficits publics aux États-Unis devrait peser inévitablement sur le dollar. À contrario, la traversée par la Chine de cette crise avec un soutien budgétaire et monétaire réduit, devrait favoriser le yuan. Enfin, la réapparition d’une volatilité accrue sur le marché des changes, couplée avec des liquidités demeurant abondantes et peu onéreuses, devrait continuer à favoriser l’ultime monnaie de réserve, l’or.

Je vous prie d’agréer, Madame, Monsieur, l’expression de ma considération choisie.

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