La lettre d'Edouard Carmignac
[Management Team] [Author] Carmignac Edouard

La Lettre d'Edouard Carmignac

Tous les trimestres, Edouard Carmignac prend la plume pour commenter les enjeux économiques, politiques et sociaux du moment.

Paris, 14 avril 2020

Madame, Monsieur,

Par sa violence, son amplitude et l’incertitude de sa durée, cette pandémie est particulièrement anxiogène. Aussi, incite-t-elle nombre de commentateurs adoubés d’une expertise souvent contestable à nous annoncer nombre de prédictions alarmistes, plus conformes à leurs biais idéologiques qu’à une analyse prospective avisée. Les populistes d’invoquer une remise en cause de la globalisation, les éco-activistes la mise en avant d’une économie verte en tant qu’ultime rempart au risque de contamination ; sans oublier, naturellement, les marxistes, souvent masqués mais toujours pas découragés, de nous annoncer une fois encore la fin du capitalisme.

La globalisation était-elle à l’origine de la grippe espagnole en 1918 ou de la peste noire… en 1350 ! Si le trafic aérien est indiscutablement un facteur de propagation, peut-on pour autant imaginer que le tourisme de masse soit condamné ? Que nos amis britanniques délaissent soudain l’ensoleillement de nos côtes méditerranéennes pour le soleil discret de la riviera de Brighton ? Pourquoi ne pas imaginer, pendant qu’on y est, qu’à la lumière de ce confinement interminable les couples mal assortis découvrent les vertus de la fidélité ?…

Ma lecture est différente. Comme Lénine l’avait mis en évidence, l’histoire de l’humanité n’est pas linéaire, elle n’évolue pas à un rythme régulier. Cette pandémie nous a surpris et va nous surprendre plus encore en tant que moteur d’accélération de l’histoire. Ainsi, nous ne souffrons pas d’un excès, mais d’une insuffisance de globalisation. Elle se doit d’être menée de façon plus maîtrisée et solidaire. Les volte-faces des deux champions populistes, Donald Trump et Boris Johnson face au Covid-19 ne sont-elles pas pathétiques et particulièrement douloureuses pour leur peuple ? L’Occident n’aurait-il pas gagné à tirer les enseignements des combats contre l’épidémie menés par la Chine et la Corée du Sud ? N’aurait-on pu dès fin janvier mettre en place un plan mondial de production de masques ? Au-delà de cette crise, la réduction du risque épidémique est un impératif catégorique. Nous sommes bien nombreux sur notre belle planète et nous nous devons de prendre conscience de notre vulnérabilité. Aussi l’Organisation Mondiale de la Santé (OMS) doit-elle être dotée de moyens pour devenir une tour de contrôle du risque épidémique, mais aussi être capable de coordonner les programmes nationaux de recherche en matière de lutte antivirale.

En ce qu’elle fragilise les plus faibles, cette crise doit se doubler d’un élan de solidarité financière. Au sein des pays riches, le pouvoir d’achat des moins favorisés se doit d’être préservé. Au sein de l’Europe, les pays de l’Europe du Nord, en prêtant main-forte à ceux du Sud, esquissent la mutualisation des dettes communautaires tant attendue. Enfin, la profonde déstabilisation en cours de nombre d’économies émergentes et de l’Afrique en particulier doit amener les pays développés, dans leur propre intérêt, à leur venir en aide.

Quid des perspectives d’investissement ? La mise en place de ces filets de solidarité a un coût majeur. Il est réduit par une explosion des dettes publiques absorbée pour l’essentiel par les banques centrales. Ainsi le scénario d’un taux zéro universel, accompagné d’une dévalorisation des signatures d’État et des monnaies, que nous annoncions il y a exactement un an, se réalise précipitamment. Dès lors, la priorité de la gestion obligataire n’est plus celle de la gestion des taux mais plutôt celle des risques de crédit, tant publics que privés. La gestion des risques de change va également reprendre ses lettres de noblesse et faire valoir notamment les attraits de l’ultime monnaie de référence, l’or. En matière de gestion des actions, cette crise renforce également les thèmes directeurs de nos choix. Nous sommes ainsi amenés à exercer en ligne une part croissante de nos activités : travail, achats, paiements, jeux, consultations médicales… Le secteur de la santé, favorisé historiquement en tant que réservoir d’améliorations de notre espérance de vie, redevient encore plus prioritaire. Enfin, la Chine ressort grande gagnante de cette crise. Elle l’aura conjurée seule, aura remis son appareil de production en marche en un temps enviable. À l’heure où les calendriers de sortie du confinement demeurent encore incertains en Occident, la fiabilité du secteur de la santé et de l’industrie chinoise force l’estime.

Vous souhaitant que ce confinement interminable vous soit le moins pénible possible, je vous prie d’agréer, Madame, Monsieur, l’expression de ma considération choisie.

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