Janvier 2019
Notre lecture des marchés pour 2019 est intacte : « le schéma de collision (entre les trois cycles économique, monétaire et politique) ne sera pas caduc parce que l’année calendaire aura changé ». Elle justifiait par conséquent la poursuite d’« une grande prudence de fond », tout en anticipant la survenance de forces de rappel variées « à ne pas manquer ».
En effet, les marchés ont coutume d’osciller largement autour des tendances, passant au gré d’humeurs souvent moutonnières de l’hésitation à l’exagération, ou du déni à l’espoir. De tels mouvements intermédiaires peuvent même s’avérer suffisamment importants pour qu’on s’en saisisse par une gestion active, à condition de ne pas perdre le cap de vue.
En ce tout début d’année, même les économistes les plus optimistes doivent finalement reconnaître que le phénomène de ralentissement cyclique s’est généralisé : les indicateurs avancés sont en décélération, et toutes les grandes régions du monde y contribuent.
En Europe, on voit mal à court terme la BCE voler au secours de la croissance alors qu’elle vient tout juste de mettre fin à son programme d’achats d’actifs. Quant à la manne fiscale, ce ne sont clairement pas les dérapages déjà attendus en Italie et en France qui en augmenteront la capacité. En Chine, les marges de manœuvre des pouvoirs publics sont également limitées. Quant aux États-Unis, la résolution du « shutdown » est encore dans une impasse. Reste donc comme seul espoir l’assouplissement de la politique monétaire de la Fed.
Lors d’une interview le 4 janvier, le président de la Fed Jay Powell a surpris. Au lieu de présenter une réduction continue de ses apports en liquidité comme un processus sur des rails et non négociable, il ouvrait la possibilité d’en ajuster la cadence. Plus généralement, il évoquait l’incidence des risques des marchés sur son analyse de la politique monétaire appropriée. Si un retour à une « flexibilité » de la Fed devait s’accompagner de progrès dans les discussions commerciales entre les États-Unis et la Chine, la forte baisse des marchés actions en fin d’année pourrait bien faire place à un rebond d’une certaine ampleur.
D’abord, Jay Powell a évoqué la possibilité de faire preuve de flexibilité, mais ne s’y est pas engagé. D’ailleurs il n’a semblé nullement convaincu que la politique conduite par la Fed avait contribué à l’instabilité des marchés. Ensuite, les indicateurs économiques aux États-Unis sont eux-mêmes sensibles à la direction des marchés. Enfin, sur le tableau de bord de la Fed apparaît toujours une situation de plein emploi aux États-Unis et un rythme d’inflation de 2 % conforme aux objectifs statutaires, qui ne justifient pas aujourd’hui une quelconque « capitulation » de la politique monétaire.
2019 s’ouvre sur la poursuite probable d’une révision en baisse des résultats estimés pour les entreprises, en Europe comme aux États-Unis. En effet, la hausse graduelle des salaires commence à rogner sur les marges des entreprises, ce qui augure des perspectives de résultats décevants dans le contexte du ralentissement économique que nous évoquions. Dans le même temps, la Fed n’est pas encore en situation de devoir renoncer à son objectif de normalisation monétaire, et la BCE est aujourd’hui largement démunie. Un tournant monétaire pourrait survenir au cours de l’année, mais nécessitera davantage de pression des marchés ou de l’économie réelle.
Dans les prochaines semaines, la possibilité d’un rebond « technique » existe, et pourrait même selon les circonstances politiques prendre une ampleur qui mérite d’être jouée. Les valeurs cycliques de qualité, qui ont parfois vu leurs cours s’effondrer sur les derniers mois, présentent certainement la meilleure exposition à ces forces de rappel. Mais, même s’il se confirme, le rebond qu’amorcent les marchés ne devrait être que temporaire, et ne constitue pas encore une inflexion de la tendance entamée il y a bientôt un an. Il y aura lieu de savoir prendre ses profits sur ce sursaut.
Source: Bloomberg, 31/12/2018