Les marchés en 2020 laisseront dans la mémoire des investisseurs deux principaux souvenirs. D’abord celui d’un violent aller-retour : après un moment de panique, les marchés ont ensuite été rassurés par les mesures de soutien hors normes. Et celle d’une polarisation extrême des performances entre secteurs gagnants et perdants. Il fallait, pour bien négocier cette année, gérer le risque de marché de façon active, et être très discipliné dans la sélection de valeurs.
Aujourd’hui, la situation politique américaine s’est éclaircie, et des vaccins efficaces seront bientôt déployés. Si cette combinaison ouvre pour les marchés une perspective euphorisante, ce retour vers la normalité pourrait s’avérer paradoxalement plus complexe qu’il y paraît. Non pas que cette complexité soit un obstacle à la performance, mais plutôt un appel à la lucidité dans l’allégresse collective.
La coordination et l’ampleur du soutien des gouvernements et des banques centrales auront été exemplaires en 2020. Nécessité faisant loi, l’orthodoxie aura été temporairement balayée. Par conséquent, le retour vers une forme de normalité va poser la question de la future trajectoire des politiques publiques.
Au sein des membres de l’Union européenne comme au Sénat des États-Unis, le degré de coopération reste incertain à ce jour. À mesure que les circonstances exceptionnelles s’éloignent, les partisans historiques de la tempérance budgétaire feront de nouveau valoir leurs arguments.
S’il est légitime d’anticiper que les vaccins auront un impact très favorable sur la confiance et les dépenses de consommation, l’impulsion économique réduite des pouvoirs publics aura certainement l’effet inverse. Il nous semble que les marchés font peu de cas aujourd’hui des freins à la croissance qui demeurent très présents : endettement et sous-emploi accru.
Le redémarrage économique, pour spectaculaire qu’il soit, mettra longtemps à réparer le dommage colossal infligé en 2020 à l’économie
Le redémarrage économique mettra longtemps à réparer le dommage colossal infligé en 2020 à une économie mondiale déjà en faible croissance structurelle. Le rebond attendu ne devra donc pas être confondu avec un changement de tendance. La destruction ne sera pas créatrice immédiatement, si elle l’est jamais.
C’est pourquoi nous maintenons notre biais en faveur des valeurs de croissance de qualité, même si nous nous réjouissons que les valeurs sensibles à la réouverture de l’économie puissent enfin contribuer à la performance.
L’un des stigmates du choc économique de 2020 va se manifester dans le besoin de financement considérable des déficits. Les pouvoirs publics devront continuer de requérir le soutien appuyé des banques centrales pour éviter des tensions sur les marchés obligataires. Mais cet engagement illimité posera tôt ou tard la question de la valeur des monnaies ainsi créées sans autre objet que de financer des déficits. Le dollar en particulier nous semble aujourd’hui vulnérable à cette perspective.
L’affaiblissement du dollar pourrait être bénéfique aux pays se finançant et commerçant en dollars, aux premiers rangs desquels se situent les pays émergents. Ce bénéfice s’ajouterait, au moins pour la Chine et sa sphère d’influence, au double avantage d’une gestion efficace de la crise sanitaire autorisant un redémarrage plus rapide des économies, et d’une position enviable dans de nombreux domaines de la sphère technologique et des énergies alternatives.
Le monde émergent présente le double avantage d’un redémarrage économique plus rapide et d’une position enviable dans les secteurs de croissance
Il nous semble aussi que la possibilité d’un affaiblissement du dollar, et peut-être d’autres monnaies confrontées aux mêmes défis, justifierait que le prix de l’or reprenne au cours de 2021 sa pente ascendante.
En conclusion, au-delà de l’« anomalie » de 2020, il faut garder à l’esprit que c’est la croissance bénéficiaire à long terme des entreprises qui demeure le juge de paix de la performance boursière. Or, dans un environnement de taux d’intérêt très bas, d’activité économique encore restreinte, et de déséquilibres macro-économiques aggravés, cette croissance va demeurer structurellement rare et fragile.
Notre stratégie d’investissement continuera donc de s’appuyer sur quatre lignes de forces « antifragiles » : les actions d’entreprises à croissance visible, la Chine et sa zone d’influence, les acteurs gagnants de la transition énergétique, et les mines d’or.