A nouvel environnement, nouvelles thématiques d’investissement

Publié le
23 décembre 2022
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Le nouvel environnement économique qui se met en place sur fond d’inflation pourrait créer des opportunités d’investissement dans l’industrie, les actions japonaises ou encore la dette émergente, estime Frédéric Leroux, membre du comité d’investissement stratégique.

L’envolée des prix semble se calmer depuis quelques semaines. Qu’en pensez-vous ?

Frédéric Leroux : Comme nous le répétons depuis plus d’un an, plusieurs facteurs rendent vraisemblable une inflation mondiale résiliente et des taux d’intérêt tendanciellement plus élevés : démographie mondiale, probable recul de la mondialisation au profit de relocalisations, choix en faveur d’une transition énergétique rapide ou encore fin de la Pax Americana. Mais cette situation signifie aussi le retour du cycle économique (expansion, récession ou dépression, reprise) dont vont découler des opportunités d’investissement.

Ce n’est pas une très bonne nouvelle pour les investisseurs, si ?

F.L. : Cette situation nous oblige à nous adapter, à réorienter progressivement nos investissements vers des thématiques capables de faire face à un environnement inflationniste tout en tenant compte de la cyclicité économique de court terme, qui revient en force et exige de l’investisseur une gestion proactive. Une gestion qui soit capable de tenir compte et de s’adapter à des périodes d’inflation mais aussi à des phases de désinflation (i.e. de ralentissement de la hausse des prix).

Comment cela se matérialise-t-il dans vos stratégies d’investissement ?

F.L. : Par exemple, notre gestion obligataire, après avoir été négativement impactée par la guerre en Ukraine, a intégré la perspective de rendements plus élevés avec la hausse des taux. Mais elle a aussi cherché à tirer parti de l’extrême défiance des investisseurs à l’égard d’entreprises dont les rendements intègrent un risque de défaut - i.e. un risque de ne pas rembourser leurs créanciers - trop élevé eu égard aux fondamentaux économiques tels que nous les percevons.

C’est-à-dire ?

F.L. : Cette vision fondamentale intègre un seuil de résistance à la « douleur économique » très bas, qui implique un soutien des Etats important parallèlement à la hausse des taux en cours qui restera limitée eu égard au niveau d’inflation. Selon nous, il est possible que les taux réels (i.e. une fois l’inflation prise en compte) ne tardent pas à évoluer de nouveau en territoire négatif. En outre, d’après notre scénario économique à moyen terme, le billet vert devrait faiblir lors du prochain rebond conjoncturel tiré par les économies cycliques, ce qui devrait renforcer l’attrait des dettes émises par les pays émergents.

Quid des actions ?

F.L. : La perspective du retour par vagues de l’inflation nous a incités à explorer des sujets d’investissements qui étaient passés à l’arrière-plan ces dernières années.

Vous pouvez nous donner quelques exemples ?

F.L. : Reconnaissant la contribution de la transition énergétique aux pressions inflationnistes actuelles, nous estimons que cette transition ne peut se faire efficacement sans la participation des grands acteurs de la production d’énergies fossiles très impliqués dans cette transition et comptant parmi les plus grands investisseurs en énergies renouvelables. Le pragmatisme nous encourage donc à travailler en bonne intelligence avec ces « transitioners » dès l’instant où ils sont résolument engagés dans une démarche en faveur des énergies nouvelles en ligne avec les objectifs de notre démarche d’investissement responsable.

Avez-vous d’autres exemples ?

F.L. : Suivant la même logique contrariante, nous avons recommencé à nous intéresser au marché japonais des actions. Délaissé par les investisseurs étrangers depuis plusieurs années, incapable de réaliser le potentiel boursier des actions nippones pourtant sous-valorisées suivant tous les standards de mesure de la valeur, ce marché n’attend qu’un déclencheur pour réaliser ce potentiel. Une remontée des taux japonais pourrait très bien être ce déclencheur en permettant de renforcer le yen et ainsi attirer les investisseurs étrangers découragés par l’affaiblissement de la devise nippone depuis 12 ans. Dans cette hypothèse, le secteur bancaire serait à privilégier à côté de secteurs profitant d’un regain de dynamisme de l’économie domestique.

Un dernier exemple ?

F.L. : La volonté de relocalisation de productions stratégiques après la découverte de nos dépendances à l’égard de pays étrangers éloignés depuis le Covid et les transformations liées à la volonté de développer plus rapidement les nouvelles énergies créent des opportunités de long terme dans le secteur industriel. L’Europe devrait en offrir de nombreuses dans ce domaine. Mêler le renouveau de pans entiers de l’industrie et les concepts de market timing les plus fins pour tirer le meilleur parti de la cyclicité économique retrouvée nous semble une approche efficace pour nous adapter au nouvel environnement économique international.

Le retour du cycle économique semble rebattre les cartes sur les marchés financiers ?

F.L. : Exactement ! Les sociétés et secteurs sous-valorisés du fait d’une longue période de croissance molle et peu volatile ont évolué à l’ombre des belles « valeurs de croissance » - i.e. dont la profitabilité est peu dépendante du cycle économique -, jusqu’à se faire oublier. Elles seront après le ralentissement qui vient les gagnantes de la prochaine phase ascendante du cycle économique.

Un retour finalement synonyme d’opportunités plus que d’inquiétudes ?

F.L. : La prochaine reprise va créer simultanément de belles opportunités pour les gestions capables de tirer profit de la hausse des taux d’intérêt et de s’exposer aux pays émergents. Mais à très court terme, le probable reflux de l’inflation pourra momentanément contribuer au rebond des actions non cycliques. Le retour du cycle, en accélérant la vitesse de rotation entre les thèmes d’investissement et les classes d’actifs, légitime le retour de gestions actives globales et flexibles au centre des portefeuilles d’actifs financiers.

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